Gamification :
Le guide ultime (2022)

  
Chapitre I

Qu’est-ce que la gamification ?

Si on devait la définir en une seule phrase, la gamification correspondrait à l'ajout d'éléments de jeu à des activités initialement non ludiques. Elle consiste à appliquer des mécanismes de jeu dans des contextes d’éducation, de formation ou encore de marketing, afin d’augmenter l'engagement et la fidélité des utilisateurs. La majorité du temps, les éléments de jeu utilisés dans la gamification sont les systèmes de points, de badges et de classement. 

Icône de la culture populaire depuis les années 60, Mary Poppins décrit dans la chanson “un morceau de sucre” ce qui pourrait faire une parfaite définition de la gamification 

 

"In ev'ry job that must be done

There is an element of fun

You find the fun and SNAP!

The job's a game"

 

(Dans tout travail à accomplir

Se trouve un élément de plaisir

Trouvez le plaisir et POUF !

Le travail devient un jeu)

 

Ce que racontent ces paroles, c’est que toute activité peut devenir amusante, agréable et engageante si on la transforme en jeu.

Le concept de gamification a explosé auprès du grand public dans les années 2010, avec sa mise en application sur des réseaux sociaux comme Foursquare. Mais c’est en 2003 que les préceptes de la gamification ont été formulés par Yu-Kai Chou. Ce prodige, alors âgé de 17 ans, formule un modèle d'évaluation des moteurs de la gamification : l’Octalysis. Selon lui, la gamification repose sur 8 moteurs universels, qui peuvent être combinés les uns avec les autres dans des systèmes de gamification plus ou moins complexe : 

 

La signification (Epic Meaning & Calling) : le désir de sentir que nos actions ont un but

C’est le moteur par lequel le joueur a la conviction qu’il participe à quelque chose de plus grand que lui-même, ou qu’il a été choisi pour faire quelque chose. On retrouve ce moteur derrière des personnes très engagées sur les forums ou dans les communautés comme Wikipédia. On le trouve aussi quand un joueur trouve, au début de son parcours, un cadeau ou un objet qu’il pense que les autres joueurs n’ont pas, il pense alors avoir une grande chance que lui confère ce moteur dès le début du jeu.

La réalisation (Development & Accomplishment) : La volonté de relever et de surmonter les défis

Le moteur réalisation est le moteur interne qui permet de progresser, développer des compétences et surmonter des défis. Sans défis, les badges et trophées perdent leur sens. Ce moteur est le plus facile à concevoir et est à la base de la plupart des systèmes de récompenses par points, badges ou classements.

L’autonomisation (Empowerment of Creativity & Feedback) : Le désir de choisir sa propre direction et d'essayer une variété de solutions à un problème

On parle d’autonomisation de la créativité lorsque les utilisateurs doivent explorer eux-mêmes et essayer différentes combinaisons avant de comprendre les choses. Le moteur autonomisation implique que les personnes puissent tenter des choses, voir les résultats de leur créativité, recevoir des retours et ajuster. Des environnements comme les legos ou la peinture sont des mécaniques de jeu qui peuvent même se suffire à elles-mêmes. Les options créatives sont infinies, c’est pourquoi avec ce moteur il n’y a pas forcément de besoin d‘ajouter du contenu pour garder l’activité engageante. 

La propriété ( Ownership & Possession) : Le désir de posséder des choses

Avec ce moteur, les utilisateurs sont engagés car ils ont le sentiment de posséder quelque chose. Si le joueur est propriétaire, il cherchera à améliorer ce qu'il possède et en posséder encore plus. Ce moteur correspond à la volonté d'accumuler de la richesse, il correspond donc aux univers virtuels qui permettent d’accumuler des biens virtuels ou de la monnaie virtuelle. La notion de propriété dans le jeu se retrouve aussi dans la personnalisation du profil du joueur : plus il peut le personnaliser, plus il a la sensation qu’il lui appartient. Enfin ce principe de possession se trouve aussi derrière la volonté de faire collection de quelque chose, comme des timbres. 

L’influence sociale (Social Influence & Relatedness) - La volonté d'interagir avec, d'aider, d'apprendre et de rivaliser avec les autres

Ce moteur prend racine dans les éléments de relation sociale qui ont un pouvoir de motivation sur les personnes : le désir de reconnaissance, d’acceptation, le désir de mentorer/aider, la camaraderie ou encore la concurrence ou l’envie. Si un ami est très bon dans quelque chose, nous serons naturellement portés à vouloir acquérir le même niveau. S’il possède quelque chose d'extraordinaire, il se peut que nous le souhaitions aussi. Cette tendance à se référer à des personnes et des codes sociaux se retrouve aussi dans la volonté naturelle que nous avons à nous rapprocher de ce qui nous ressemble. Ce moteur correspond aussi à celui qui nous attire vers les choses qui nous rappellent notre enfance ou des souvenirs, et il est très utilisé dans le marketing. 

La rareté et l’impatience (Scarcity & Impatience) - La volonté de vouloir des choses que nous ne pouvons pas avoir

Ce moteur joue avec la motivation de vouloir ce que l’on ne peut pas obtenir. On le retrouve dans des jeux qui imposent d’attendre un certain temps avant de gagner quelque chose : si on ne peut l’avoir tout de suite, on ne fera qu’y penser jusqu’à l’obtenir. C’est à ce moteur que Facebook doit son succès : d'abord réservé exclusivement aux étudiants d'Harvard, il s’est progressivement ouvert à une sélection d’écoles prestigieuses triées sur le volet. Au moment de s’ouvrir au grand public le succès était au rendez-vous, car son caractère élitiste avait attisé l’envie du plus grand nombre. 

L’imprévisibilité (Unpredictability & Curiosity) - Vouloir savoir ce qui va se passer ensuite

Le moteur se cache derrière les incitations à vouloir savoir ce qui va se passer ensuite. Si on reste en suspension sans savoir ce qui va arriver, il y a de grandes chances pour que le cerveau ne pense qu’à cela. Un principe sur lequel la consommation de séries repose largement et qui fait la fortune de Netflix, mais qui se retrouve aussi dans les films et la lecture. Pour faire court, on parle de suspense. Ce moteur se retrouve derrière les concours ou autres loteries organisés par les marques afin d’engager leur audience, ou encore derrière les initiatives type story learning. Côté négatif, c’est aussi le moteur qui se cache derrière la dépendance au jeu. 

L’évitement (Loss & Avoidance) - La volonté d'éviter la douleur ou les conséquences négatives.

À petite échelle, ce moteur se cache derrière le fait de vouloir éviter de perdre des choses réalisées par le passé, comme une maison et une communauté dans les Sims. À plus grande échelle, il correspond par exemple au fait de ne pas annuler toute la valeur d’un parcours en s'arrêtant avant d'atteindre son but. Ce moteur est celui qu’utilise le marketing sous forme de ventes flash par exemple : si on n’agit pas tout de suite, l’opportunité disparaîtra pour toujours. 

Les joueurs : profils types et motivations

Richard Bartle, professeur, auteur et chercheur dans le domaine du jeu, est à l’origine de la taxonomie de Bartle. Il s’agit d’une classification des joueurs de jeux vidéo fondée sur un article qu’il a écrit en 1996, et qui définit encore aujourd'hui les types de joueurs en fonction de leurs actions préférées dans le jeu.

  • Achievers

Leur objectif : atteindre un statut et accomplir leur but

Ce qui les engage : le désir de réussite

  • Socializers

Leur objectif  : socialiser et développer un réseau d’amis et de contacts

Ce qui les engage : consulter les fils d’actualité, les listes d’amis, interagir

  • Explorers

Leur objectif  : explorer et découvrir l’univers de jeu 

Ce qui les engage : quand on leur fixe des objectifs déconcertants

  • Killers

Leur objectif  : gagner, le classement et la compétition directe avec leurs pairs

Ce qui les engage : les notes, les classements et les palmarès

Les 4 types de “fun”

Nicole Lazzaro, présidente de XEODesigns, à quant à elle émis des hypothèses sur des raisons qui poussent les personnes à jouer. D’après ses observations des joueurs et des non-joueurs, elle a pu classifier 4 grands types d’émotions sous la typologie “fun” afin de qualifier ce qui engage les joueurs. 

  • Hard Fun : ressentir de la fierté après avoir relevé un challenge difficile 
  • Easy Fun : ressentir de la curiosité lors de l’exploration des jeux de rôle et des possibilités de créativité
  • Serious Fun : pouvoir agir sur un environnement de jeu 
  • People Fun : être amusé par le fait d’être mis dans des situations de concurrence ou de coopération
    
Chapitre II

Une brève histoire de la gamification

L’utilisation de la gamification a donc explosé à partir des années 2010 avec les systèmes de badges et de récompense sur les médias sociaux, pour se répandre comme une traînée de poudre et se démocratiser dans de nombreux domaines, du marketing à la formation. Mais le concept n’est pas sorti de nulle part. Il prend racine dans des procédés observés il y a plus de 120 ans, dont l’objectif était déjà de créer l’engagement et de renforcer les comportements d'achat de façon positive. 

1896 : Les timbres verts S&H

La société Sperry & Hutchinson crée le premier programme de récompense avec ces petits timbres verts. Distribués aux clients en caisse de supermarchés, magasins ou encore stations-service, ils pouvaient être échangés contre des produits listés dans un catalogue de récompenses. 

1908 : Naissance du mouvement Boy Scouts aux États-Unis

Parmi les traditions Boy Scouts se trouvait celle de décerner des badges afin de reconnaître leurs réalisations. Pour obtenir un nouveau badge, il fallait devenir compétent dans une activité particulière. 

1973 : Théorisation sur le pouvoir du jeu pour engager les employés 

Charles Coonradt, grand-père de la gamification, publie en 1973 le livre “The Game of Work”. Son objet est d’adresser le problème de la baisse de la productivité aux États-Unis. Dans le livre, il évoque le constat que la productivité baisse alors que les ventes d’équipement sport et loisir augmentent. Il suggère alors que le jeu et le divertissement pourraient être la réponse à ce problème d’engagement dans les entreprises. 

1978 : Naissance des jeux vidéo sociaux 

Ancêtre des jeux multiplayers comme World Of Warcraft ou Fortnite, le jeu MUD1 voit le jour. Créé par Roy Trubshaw et Richard Bartle, ce jeu de donjon multi-utilisateurs a lancé le grand mouvement des jeux sociaux en ligne. 

1980 : Publication de l’essai “Ce qui rend les choses amusantes à apprendre”

Thomas Malone, aujourd'hui professeur de management au MIT Sloan School of Management publie l’étude :  «Ce qui rend les choses amusantes à apprendre: une étude sur les jeux informatiques intrinsèquement motivants». 

1981 : American Airlines lance AAdvantage

AAdvantage est considéré comme le premier programme de fidélisation au monde. Il encourageait la fidélité des clients en offrant des récompenses aux clients fréquents. Un modèle aujourd’hui répandu dans une très grande majorité d’enseignes, jusqu’à la sandwicherie où nous nous rendons les midis. 

1982 : Les universitaires reconnaissent le potentiel du gaming

Les jeux sur ordinateur montrent leur capacité à engager les utilisateurs. Des articles commencent à apparaître pour explorer les utilisations possibles du jeu à des fins de productivité. Déjà en 1981, Thomas Malone a publié “Toward a Theory of Intrinsically Motivating Instruction” et “Heuristics for Designing Enjoyable User Interfaces”, deux articles qui décrivent les aspects des jeux informatiques et applicables à d'autres domaines.

1983 et 1987 :  Premiers programmes de fidélité hôtelier et location auto

Holiday Inn lance le premier programme de fidélité hôtelier en 1983. Cinq ans plus tard, en 1987, c’est au tour de National Car Rental de lancer le premier programme de récompenses de location de voitures.

1990 : 30% des ménages américains possèdent un NES 

Le jeu se démocratise dans les foyers, l’accès aux consoles de jeux devient de plus en plus facile à compter de cette période. C’est la naissance d’une toute nouvelle génération de joueurs.

1996 : Classification des types de joueurs de jeux vidéo

Richard Bartle, universitaire et écrivain spécialiste des jeux vidéo, publie “Who plays MUA” (MUA pour Multi Users Adventures, ou jeux vidéo multijoueurs). L’article détaille quatre types de joueurs parmi les joueurs de jeu vidéo, déterminés en fonction de la façon dont ils abordent le jeu. Ce modèle sera à la base de nombreux systèmes de gamification. 

1999 : la notion d’amusement est prise au sérieux

Stephen W. Draper publie un article qui évoque que le plaisir de l’utilisateur devrait être au centre des considérations lors de la conception de logiciels.

2002 : naissance du terme “gamification”

Nick Pelling, programmeur informatique et écrivain d'investigation anglais, utilise pour la première fois le terme gamification pour qualifier le concept.

2005 - Création de la première plateforme de gamification moderne 

Rajat Paharia fonde Bunchball, une plate-forme conçue pour stimuler l'engagement sur les sites Web en ajoutant une couche de mécanismes de jeu.

2007 - la gamification des tâches ménagères

Kevan Davis, développeur web et designer de jeux vidéo, développe Chore Wars. Le site a pour objectif de gamifier le partage des tâches ménagères à la maison. 

2009 - Quest to Learn, la première école qui utilise un environnement basé sur le jeu

L'école Quest to Learn est créée. C’est le fruit de la collaboration entre l'Institute of Play et le New York City Department of Education, avec le soutien de la Fondation MacArthur et de New Visions for Public Schools. La première année scolaire accueillait une classe de sixième. Chaque année a accueilli un nouveau niveau jusqu'en 2015 où l’école est devenue un établissement scolaire du secondaire à part entière. 

2009 : Lancement de Foursquare

Foursquare rencontre un engouement massif. L’application permet aux utilisateurs de découvrir de nouveaux lieux, tout en les récompensant pour leurs découvertes ou la régularité avec laquelle ils “check-in” quelque part. L’application fonctionne sur un système de badges et de récompenses qui sera par la suite largement démocratisé par des entreprises de tous secteurs. 

2010 : Devhub

Rien qu’en ajoutant un système de points à son site Web, DevHub parvient à augmenter de 70% l'engagement de ses utilisateurs.

2010 : Sommet sur la Gamification. 

Gamification Co organise la toute première édition du Sommet sur la Gamification à San Francisco, Californie.

2012 : Cours de gamification de Kevin Werbach sur Coursera

En 2012, 45 000 personnes s’inscrivent au cours de gamification en ligne du professeur Kevin Werbach sur Coursera. 

2012 : Prédictions Gartner 

Gartner prédit en 2012 que 70% des organisations mondiales auront au moins une application gamifiée d'ici 2014. En 2013, la gamification a une portée plus large que prévu. En 2014, 9 entreprises sur 10 signalent que leurs efforts de gamification sont couronnés de succès. 

2016 : Valorisation de la gamification

Le marché de la gamification est estimé à 4,9 milliards de dollars.

2021 : le marché mondial de la gamification est estimé à 11,94 milliards de dollars

Une croissance impressionnante qui ne fait que s'amplifier.

  
Chapitre III

Avantages et inconvénients de la gamification

C’est fun !

Premier avantage qui relève de l’évidence lorsqu’on parle de gamification : c’est amusant pour les utilisateurs lorsque c’est bien fait. Une activité ressentie comme un jeu apporte avant tout du plaisir à celui qui la complète, c’est pourquoi il y a de grandes chances pour qu’il en redemande. La notion même de jeu est universelle. Une des premières raisons pour lesquelles le jeu ou les activités qui font appel à la gamification peuvent être addictifs, c’est qu’ils procurent des émotions positives aux utilisateurs. Cela peut d'ailleurs contribuer à surmonter les freins des apprenants au digital learning.

Augmente la motivation, l’engagement et la productivité

Avec son système d’objectifs et de récompenses, la gamification possède un pouvoir sur la motivation des utilisateurs, qu’ils soient consommateurs, salariés en entreprise ou apprenants dans un cadre scolaire ou de formation. L’engagement est la pierre angulaire de nombreux systèmes, à commencer par la productivité en entreprise. Dans un contexte d’apprentissage, il est prouvé que les apprenants seront plus susceptibles de passer du temps sur un jeu d'apprentissage s’il fait appel à un système de récompense. Badges et points procurent une récompense tangible. Une étude de 2006 sur les jeux vidéo a identifié trois facteurs de motivation qui poussent les joueurs à s’engager dans le jeu : 

  • Le désir de réalisation: les joueurs veulent réussir et montrer qu’ils peuvent relever les défis du jeu.
  • Les facteurs sociaux: les joueurs sont motivés par les contacts avec d’autres joueurs et l’esprit d’équipe.
  • L’immersion: les joueurs sont motivés à explorer les possibilités du jeu et à créer des expériences personnelles.

Côté productivité, rien de nouveau sous le soleil. Dans une entreprise ou dans un contexte créatif, plus nous sommes motivés, plus nous sommes productifs. Les dynamiques de jeu permettent d’améliorer les compétences et la productivité en créant un environnement détendu. 

Un pouvoir de renforcement positif 

La gamification, lorsqu'elle est bien utilisée, peut permettre de faire évoluer positivement les sentiments, les attitudes et les comportements des utilisateurs. Le jeu est souvent utilisé dans un contexte de renforcement positif, notamment dans un contexte de prévention, mais aussi dans un contexte de sensibilisation à des règles de sécurité ou à un règlement intérieur. 

Rétention de l’apprentissage et développement cognitif

Le jeu rend les apprenants acteurs de leur apprentissage. En les mobilisant, il permet une attention accrue et une meilleure rétention du contenu de formation, en comparaison avec le fait de simplement lire ou suivre un cours magistral (à l'instar de l'apprentissage informel). De plus, la gamification participe au développement cognitif. Une étude de Blumberg & Fisch datant de 2013 explique que les jeux qui invitent à la réflexion critique et à la résolution de problèmes améliorent les capacités de traitement et de rétention d'information des apprenants. Les formations qui utilisent la gamification permettent aussi d’obtenir plus rapidement leur attention. 

La gamification rend l'apprentissage visible

Barre de progression sur l’écran, système de points, objectifs à réaliser, niveaux à compléter et débloquer… les environnements de jeu ou inspirés par le jeu permettent aux utilisateurs de visualiser en temps réel leur progression, les compétences acquises, mais aussi leur niveau. Dans un cadre d’apprentissage, la gamification permet de suivre l’assimilation des concepts, mais aussi de suivre son propre niveau d’avancement par rapport aux autres apprenants. Ces informations peuvent par exemple pousser l’apprenant à refaire des quiz ou des activités pour obtenir un meilleur score.

La gamification atténue la peur de l'échec et l’abandon dans l’apprentissage

L’échec fait partie de l’apprentissage, mais dans un contexte de formation, il peut générer de l'embarras pour les apprenants. A contrario, dans un jeu, l’échec est le plus souvent un appel à retenter pour mieux faire. Qui, plus jeune, s’est contenté de jeter l’éponge au premier “game over” ? Avec la gamification, la dynamique de formation change, elle suit celle du jeu dans lequel l'échec fait partie du processus. Une étude de Huang, Hsin-Yuan et Soman datant de 2013 explique que la gamification encourage les apprenants à échouer et à réessayer les tâches d'apprentissage sans gêne.

La gamification favorise les connexions sociales

Classements et systèmes de points permettent aux joueurs de se situer dans le groupe, mais aussi d’entrer en interaction avec ses membres. La gamification encourage dans certains contextes les personnes à interagir entre elles, que ce soit pour créer des équipes, pour collaborer sur des défis ou dans un cadre de compétition saine. 

 

MAIS...

 

La gamification mal exécutée a des conséquences négatives

Appliquer des mécanismes de gamification dans la formation ou le marketing nécessite de connaître ce que l’on manipule. La gamification ne se limite pas à jeter des couches de jeu, systèmes de points, classements ou autre, sur une formation ou une campagne. Si elle n’est pas correctement exécutée, la gamification peut avoir des conséquences nuisibles, pouvant aller jusqu’à obtenir le contraire de l’effet escompté. Une “mauvaise” gamification peut favoriser une concurrence malsaine, dissuader les utilisateurs d’un produit, frustrer les utilisateurs ou générer l’hostilité, faire oublier la mission première de l’activité, qui n’est pas le jeu, ou encore n'être pas adapté au public cible qui s’en détourne. Pour éviter de tels travers, il est recommandé de travailler avec des spécialistes familiers de la gamification ou faire appel à des solutions spécialisées dans la gamification de la formation ou du marketing. 

La gamification peut provoquer un déficit d’attention

Dans un contexte de formation par exemple, les apprenants habitués à un rythme rapide et une rétroaction immédiate sur leurs actions peuvent manifester une certaine impatience ou frustration face à des formats plus longs. Pour ne pas tomber dans le piège du snacking en contexte de formation, il est recommandé d’utiliser les phases de gamification par intermittence, en alternant des parties de formation théoriques plus creusées (par exemple via un LMS) avec du microlearning gamifié, comme on peut le trouver en contexte de blended learning

Un engagement qui peut s'effriter une fois l’effet nouveauté passé

À la longue, tout jeu peut devenir usant, s'il ne se renouvelle pas. En témoigne le mondialement célèbre Farmville, qui a fait ses adieux le 31 décembre 2020. Maintenir l'intérêt de l’utilisateur dans le temps est le grand défi de la gamification, car si elle procure un engagement certain, elle doit se renouveler constamment pour le conserver. Pour survivre au temps et garder ales utilisateurs, consommateurs ou apprenants engagés, la gamification doit être en capacité d’apporter des avantages utiles et un contenu sans cesse renouvelé. 

  
Chapitre IV

De l’éducation au monde de l’entreprise : une méthode qui séduit

Des premières expériences de gamification à aujourd’hui, le marché de la gamification a pris une ampleur immense dans le monde, aidé par la digitalisation globale. Si la gamification fonctionne et séduit, ce n’est pas juste grâce à son système de points, aux badges, aux classements, aux défis et aux niveaux. C’est aussi parce qu’elle permet aux utilisateurs de faire preuve de créativité et d’acquérir des compétences nouvelles tout en jouant. Aujourd’hui, le profil type du joueur n’est pas un ado ou un homme célibataire comme les clichés ont pu le véhiculer depuis longtemps. Les joueurs sont autant des hommes que des femmes ; tout le monde peut être joueur. 

La gamification sur le lieu de travail

La gamification participe à la transformation digitale du lieu de travail, tout en offrant des possibilités infinies pour stimuler la productivité. En se fondant sur la donnée, la gamification possède la vertu de stimuler la motivation et l'engagement des collaborateurs. Se divertir sur son lieu de travail n’est plus quelque chose de mal vu et est plutôt encouragé. De plus avec une population de digital natives et la dernière génération arrivée sur le marché du travail, socialisation, collaboration et amusement sont au centre des nouveaux systèmes de valeur. 

Déjà en 2013, alors que la gamification démarrait sa folle ascension, l’opérateur américain T-mobile avait noté des chiffres impressionnants liés à l’implémentation d’une couche de gamification dans sa plateforme de collaboration interne. Les contributions des employés auraient grimpé de 583 %, augmentant au passage les scores de satisfaction client de 31%. La mise en œuvre de la gamification dans un contexte de travail aura finalement permis de réduire les coûts, d'améliorer la qualité du service client et d'engager les collaborateurs de l'entreprise. Un excellent retour sur investissement. Parmi les employeurs les plus cités pour leurs stratégies de gamification sur le lieu de travail, on compte Coca Cola ; une recherche sur Google suffit pour lister nombre d’initiatives couronnées de succès, notamment dans le domaine de la formation des employés. 

Application de la gamification dans le marketing

Le digital a donné une ampleur jamais égalée au marketing, ouvrant de nouvelles voies pour stimuler l’engagement des utilisateurs et stimuler les ventes. Sur des marchés extrêmement concurrentiels, la fidélité des clients est le sésame que se disputent les annonceurs. Dans ce contexte, la gamification s’est révélée être un outil de choix pour installer des relations sur le long terme avec les clients, en témoignent les programmes comme celui de Starbucks, qui rencontre un succès mondial. Dans certains cas, la gamification dans le cadre du marketing peut même permettre un effet viral rêvé par tout annonceur. 

La gamification dans l’apprentissage

La gamification est désormais le nouveau pari de l'éducation et de la formation. Avec la digitalisation de la formation, la mise en place de programmes de formation 100% digitaux ou en blended learning, un des plus grands défis des formateurs est de capter et retenir l’attention des apprenants. Il faut créer des programmes engageants, interactifs, faciles d’accès et d’utilisation. Avec l’apprentissage à distance et des apprenants de plus en plus autonomes, l'enjeu de l’engagement s’est encore accru. La gamification apporte une réponse universelle à ces enjeux, permettant de concevoir des programmes adaptés à toutes les générations dans un langage de jeu facile à appréhender par tous. Des modules d’apprentissage gamifiés type mobile learning aux serious games immersifs à plusieurs niveaux, le jeu s’empare de l’apprentissage, ou plutôt l’inverse. 

  
Chapitre V

Comment intégrer la gamification à la formation professionnelle ?

Déterminer les objectifs et enjeux d’entreprise auquel répond le programme

Comme expliqué plus tôt, intégrer la gamification dans un contexte professionnel et/ou d'apprentissage implique une visibilité et une compréhension des objectifs auquel doit répondre le système gamifié. Le jeu pour le jeu n’a pas grand intérêt dans un contexte de formation et peut même être délétère. Pour intégrer la gamification dans un contexte de formation professionnelle, la première étape incontournable est celle de définir pourquoi on souhaite le faire. Définir des objectifs clairs pour la formation gamifiée doit tenir à certains critères. Ces objectifs doivent être spécifiques, mesurables et réalistes. Spécifique veut dire qu’ils doivent spécifier à qui s’adresse la formation, ce qui doit être enseigné et avec quel outil. Mesurable indique qu'il doit être possible de déterminer les retombées et les conséquences de la formation gamifiée par rapport à l’objectif fixé. Enfin réaliste signifie que l'objectif fixé doit être atteignable pour les apprenants et en fonction de la réalité de l’entreprise à cet instant T. Dans le cas contraire, un objectif inatteignable peut être démotivant. Parmi les objectifs on pourra citer par exemple :

  • Améliorer le taux de satisfaction client sur un service après-vente de xx%
  • Augmenter la proportion de vendeurs qui maîtrisent la langue anglaise de xx%
  • Améliorer la gestion d’équipe par le management
  • Etc.

Connaître le profil des apprenants

Gamifier la formation passe par la connaissance des joueurs, donc des apprenants. Qui sont-ils ? Qu’est-ce-qui les motive ? Réaliser des personas des apprenants en entreprise permet de comprendre la réalité de leur profil et de leur travail puis se mettre à leur place pour saisir ce qui peut susciter leur engagement dans la formation gamifiée. Dans la continuité, l'âge et le profil professionnel peuvent changer beaucoup de choses dans l'appréhension de la gamification. Des profils plus jeunes dans des secteurs support comme le marketing manifesteront probablement une plus grande réceptivité à la gamification qu’un public d’ingénieurs. De même, une population issue de la génération née après 2000 aura probablement une bien plus grande sensibilité au jeu, ce qui ne veut néanmoins pas dire que les autres générations soient en reste. Nous l’avons déjà dit, le jeu reste un langage universel.  Parmi les critères à regarder pour établir le profil des apprenants, on compte leur parcours professionnel et scolaire qui permet de déterminer des communautés de joueurs par typologies de métiers. Le profil psychologique des joueurs, qu'ils soient plus compétitifs ou axés sur la collaboration est un autre critère important. Enfin, le genre et le pays peuvent être un autre axe de segmentation des joueurs, bien que de plus en plus de formations tendent à s’adresser à des publics sans prêter attention à  leurs origines ou à leur genre. 

Définir le déroulement attendu de l'apprentissage

Cette étape consiste à définir le déroulé de l’expérience d’apprentissage gamifié, à faire un plan de formation. Il ne s’agit pas de saupoudrer des quiz notés ici ou là, mais de déterminer les mécanismes de jeu utilisés les uns avec les autres pour créer une expérience cohérente, engageante, qui répond aux objectifs fixés au préalable. La formation sous forme de gamification peut par exemple présenter un storytelling qui permet d’immerger les apprenants dans une mission ou une aventure d'apprentissage. Déterminer le cheminement passe aussi par un choix dans les mécanismes de jeu : appellera-t-on les apprenants à entrer en compétition ou à collaborer les uns avec les autres ? Enfin il s’agit de déterminer les récompenses et le degré de gamification de la formation. Cette partie de la définition du cheminement de l’apprentissage consiste par ailleurs à déterminer de quelle façon les apprenants devront remplir des missions dans le cadre de l'apprentissage.  Qu’il s’agisse de quiz, de défis, d’énigmes à résoudre ou de jeu de narration qui suit un déroulé sous forme d'histoire, chaque choix fait en fonction des profils d’apprenants détermine le futur succès de la formation gamifiée. Quoi qu’il en soit, il n’est pas forcément nécessaire de créer des mondes de jeu immersifs pour faire une expérience de gamification en formation efficace. Il peut aussi s'agir de rendre ludiques les formations régulières sur la sécurité, la législation ou tout autre sujet, qui, à la longue et en raison de leur aspect répétitif, démobilisent les apprenants lorsqu’elles restent dispensées de façon ”classique”.

Déterminer le système de récompenses

La gamification de la formation passe forcément par un système de récompenses, puisque c’est la base du jeu et surtout la contribution obligatoire pour créer de l’engagement. Comme expliqué en début d’article, les systèmes de récompense les plus utilisés dans la gamification sont les systèmes de points, de badges et de classements, qui peuvent être appliqués au milieu de la formation sans aucun problème. Selon le type de récompense choisi, la dynamique de jeu sera différente pour l’apprenant. Il faut choisir judicieusement, selon que l'on souhaite créer une dynamique de compétition entre équipes, de challenge personnel, etc. Un système de points installe une dynamique de gratification, un système de niveau instaure une notion de statut , les badges installent une dynamique tournée vers la reconnaissance et enfin les classements amènent une dynamique de compétition entre les apprenants. Une fois le mécanisme de récompense déterminé, il s’agit de concevoir un barème afin de déterminer la contrepartie pour chaque action de l’apprenant. Tout le défi dans cette étape réside dans le fait de déterminer un barème qui n'encourage pas l’apprenant à répéter des actions simples et non qualifiantes en termes d’apprentissage, simplement dans le but de gagner des points. Il faut garder en tête les objectifs fixés avant le design de la formation pour déterminer comment récompenser chaque action. Enfin, cette étape est aussi celle ou l’on choisit la teneur des récompenses. Se limite-t-on à des points ? Les points débloquent-ils des récompenses concrètes comme des cadeaux ou des accès à du contenu exclusif ? Les récompenses sont-elles des remerciements ou des félicitations ou encore de la reconnaissance sociale comme des likes des autres apprenants ? 

Déterminer les boucles d’engagement

Issues du monde du jeu, les boucles d’engagement ont pour objectif de capter l’attention du joueur et de le garder engagé le plus longtemps possible. Un mécanisme plutôt intéressant s’il est reproduit avec succès dans un contexte de formation. Avec la gamification, les boucles d’engagement permettent de valoriser les actions de l’apprenant ainsi que son niveau de progression. Elles permettent de lui faire réaliser que ses connaissances augmentent au fur et à mesure de son avancée dans la formation. Les boucles d’engagement impliquent des phases de progression, qui permettent d'enchaîner des boucles au niveau de plus en plus difficile afin de permettre à l’apprenant de progresser en termes de compétences. À cette étape, la difficulté principale consiste à concevoir des contenus adaptés, à un niveau suffisamment élevé pour provoquer l’apprentissage et créer l’engagement, sans décourager par trop de difficulté ou démotiver par des étapes trop simplistes. C’est aussi à cette étape que l’on détermine la façon dont l’apprenant pourra lui-même suivre sa propre progression dans le jeu, qu’il se trouve au début ou à la fin de son parcours de formation.

Concevoir des règles faciles à assimiler, qui répondent aux objectifs

Certains se délectent de jeux de société qui nécessitent deux heures de déchiffrage des règles au préalable (à noter que lorsqu'il s'agit de ce qui régit les aspects juridiques du e-learning, c'est un peu - beaucoup - plus long). Lorsqu’il s’agit de la gamification de la formation, il faut plutôt prendre le contrepied de ce genre de jeu. Ne pas comprendre démotive, aussi les règles à suivre doivent être présentées de façon claire, être intelligibles et compréhensibles par tous. Dans ce cadre, il faut garder en vue les profils des apprenants déterminés au préalable. Par ailleurs, les règles du jeu doivent servir les objectifs de la formation. Elles précisent dont les comportements attendus et comment ils seront récompensés, les barèmes de points ou encore les récompenses auxquelles s’attendre.  Les règles doivent déterminer clairement ce qui est attendu des apprenants. 

Créer un environnement visuel engageant

Au cœur de la gamification qui fonctionne, on trouve des univers visuels engageants qui attirent le joueur apprenant et le gardent engagé. Intégrer la gamification dans la formation implique de concevoir des applicatifs visuellement ludiques à l'ergonomie instinctive et adaptée au jeu. Comme pour toute expérience numérique, les frictions à l'utilisation sont démobilisantes pour les apprenants. Une formation qui utilise la gamification de façon efficace sait tirer parti du meilleur des interfaces de jeu actuelles. C’est encore plus le cas lorsqu’on parle de mobile learning, puisque les utilisateurs de jeu sont de plus en plus nombreux à le faire sur leur smartphone, via des applications. Qu’il s’agisse du choix des couleurs ou des mots, rien ne doit être laissé au hasard et peut avoir un effet sur l’engagement des apprenants. 

   
Chapitre VI

Les différents outils digitaux et non digitaux pour gamifier une formation

Qu’ont en commun le mobile learning et un jeu de société ? Beaucoup, à vrai dire. On parle énormément de gamification dans un contexte numérique, mais en réalité, le jeu existait bien avant les jeux vidéo et Internet. Lorsque l’on parle de gamification de la formation, les outils sont nombreux, certains digitaux, d'autres non. D’ailleurs ces dernières années, un regain d'intérêt pour les jeux de société a amené à se tourner vers des supports de jeu plus traditionnels dans un objectif de gamification de la formation. Chaque type d’outil porte en tout cas une utilité selon les objectifs et le contexte d’apprentissage dans lequel il est utilisé. 

 

Les outils non digitaux

Jeux de société

Les jeux de société utilisés dans un contexte de formation professionnelle permettent de compléter le contenu de formation, de le transmettre ou d’éprouver des apprentissages stratégiques. La plupart du temps, ils se jouent en équipe pour favoriser la collaboration. Les jeux de société bien conçus imitent le monde réel où de nombreuses décisions et projets sont réalisés dans des environnements collaboratifs. Ce type de support offre au formateur la possibilité d'observer comment les participants gèrent la communication, la collaboration et la compétition. Autre spécificité, le format jeu de société est limité dans le temps, il permet d’éprouver des concepts dans un laps de temps assez court. 

Jeux de cartes

Les jeux de cartes ont la particularité d’être extrêmement faciles à prendre en main et possèdent une portée assez universelle et transgénérationnelle. Les jeux de cartes peuvent être particulièrement efficaces dans trois domaines de formation : la vente, la négociation et le leadership. En vente, les cartes peuvent par exemple servir à présenter des scénarios auxquels répondre dans un temps imparti. Dans la même veine, elles peuvent servir à apprendre des techniques de négociation en lançant des défis aux joueurs. Enfin, dans un contexte de formation au leadership, il existe des jeux de cartes qui apprennent à exercer la pensée stratégique et critique sur des problématiques de leadership. 

Jeux de rôle

Comme son nom l’indique, le jeu de rôle permet de réaliser des mises en situation. Il permet de mettre l'apprenant au centre du processus d'apprentissage en l’incitant à prendre des décisions stratégiques en situation et être littéralement acteur de son apprentissage. Dans ce contexte, le formateur est facilitateur. Ce format de gamification est particulièrement adapté dans des contextes de formation qui touchent des activités comme la vente, les soft skills, le développement personnel ou encore le management. 

Escape games

Ultime niveau d’immersion pour une formation qui fait appel à la gamification, l’escape game immerge totalement et physiquement l'apprenant dans un univers. L'apprenant est appelé dans ce contexte à faire équipe avec d’autres participants afin de résoudre une énigme ou une problématique dans un temps imparti. Dans ce genre d'exercice, ce sont la capacité à collaborer, la capacité d’observation et la pensée critique et stratégique qui sont les plus sollicitées. 

 

Les outils digitaux

 

Mobile learning

Le mobile learning est souvent utilisé comme outil de gamification. Il permet des formats courts et engageants grâce au microlearning. Le format de jeu d’apprentissage sur mobile est particulièrement adapté à une population jeune habituée au numérique et particulièrement au mobile. Néanmoins son ergonomie simple et intuitive permet sa prise en main par tous. Le mobile learning permet de présenter des contenus ludiques comme des quiz qui permettent de visualiser sa progression en direct. Utilisé dans un contexte de blended learning, le mobile learning permet la consolidation des connaissances acquises. Il ne faut d'ailleurs pas hésiter à préparer les formateurs au blended learning pour assurer aux apprenants une meilleure expérience.

LMS et LXP

Aujourd’hui la plupart des Learning Management System et Learning eXperience System proposent une couche de gamification. Ils offrent la possibilité de concevoir des séquences et des modules de formation gamifiés, le plus souvent à l’aide de systèmes de points, badges et classements. 

Jeu ou application en ligne

Il existe des plateformes de gamification qui permettent de développer des jeux sur mesure. Ces plateformes de création de jeux éducatifs simples permettent de compléter la formation ou la séquence d’enseignement. Avec une telle plateforme, le formateur décide du contenu et des objectifs d'apprentissage et crée des exercices en conséquence. 

Réalité virtuelle

La réalité virtuelle est, presque par définition, un jeu. Dans les formations qui utilisent la réalité virtuelle, les mêmes principes fondamentaux que le jeu sont employés : un objectif, des règles, des moments de décision, des mécanismes de résolution et du feedback. Dans un contexte de gamification de la formation, la réalité virtuelle place les apprenants dans une variété de scénarios qui impliquent des énigmes, des aventures, des jeux de rôle, des stratégies, des actions ou des simulations. Cet outil peut être utilisé dans des contextes de formation au pilotage, ou d'entraînement des forces de l’ordre. 

Réalité augmentée

La réalité augmentée utilise une technologie mobile facilement disponible sur un téléphone ou une tablette pour fournir des informations supplémentaires sur l'environnement du joueur. En l’utilisant avec des marqueurs comme des QR codes, elle permet de donner des informations ou faire agir les apprenants en contexte. Utilisée avec des marques de localisation, elle peut permettre aux apprenants d’interagir en mouvement, comme dans des mécanismes de chasse au trésor ou de visite de lieu. 

   
Chapitre VII

Les apports de la gamification...

...au social learning

 

Le social learning est un partenaire incontournable de la gamification dans la formation et l'apprentissage. Si l’on regarde le taux d’adoption mondial des réseaux sociaux, on comprend vite que l’interaction sociale, qu’elle soit virtuelle ou non, a aussi un rôle important à jouer dans un contexte de formation. C’est encore plus vrai si l’on se penche sur les générations plus jeunes, chez qui la collaboration est une seconde nature. D’ailleurs, nombreux d’entre eux font appel aux réseaux sociaux dans le cadre des études pour poser des questions ou interagir sur des sujets en rapport avec leur apprentissage. 

Il n’est donc pas surprenant que le social learning et la gamification cohabitent de façon aussi harmonieuse. De plus en plus de formateurs font appel à la constitution de groupes, virtuels ou non, dans un contexte de formation afin de stimuler l'engagement des apprenants. Des communautés d'apprentissage se forment. Le social learning modifie par ailleurs l'orientation de l'apprentissage de l'enseignant vers le groupe, qui devient lui aussi une source de connaissances. L'interaction entre le formateur, les apprenants et leur environnement d'apprentissage constitue un réseau de social learning, au centre duquel se place l’apprentissage collaboratif. 

De plus en plus de plateformes et d’écosystèmes d’apprentissage intègrent des éléments de réseaux sociaux comme l’ajout d’amis ou un fil d’actualités. Ils combinent avec cette “couche” sociale des éléments de gamification comme des systèmes de points ou de badges. Les leçons gamifiées deviennent des quêtes, et le social learning qui s’y ajoute ouvre des possibilités supplémentaires. Les apprenants peuvent faire équipe pour terminer des niveaux ou résoudre des énigmes afin de passer à la leçon suivante, par exemple. Certains jeux d’apprentissage intégrés à la formation peuvent faire appel au social learning pour stimuler l'interaction entre apprenants. Le social learning dans un contexte de gamification permet par ailleurs d’installer des notions d’entraide ou  de compétition saine, avec l’aide de forums ou de défis lancés entre participants. 

...au blended learning

Dans un contexte de blended learning, le contenu de formation est dispensé à la fois à l’aide de méthodes “traditionnelles” de formation et de méthodes qui font appel au digital et à l’apprentissage en ligne. La gamification se prête particulièrement au blended learning car elle permet d’inclure des mécanismes de jeu dans ce contexte à l'origine non ludique, et de donner aux participants une forme de pouvoir sur leur processus de formation. 

Dans un contexte de blended learning, la gamification stimule la motivation et donne aux apprenants des objectifs de travail, qu'il s'agisse de gagner une place dans le classement, de monter de niveau ou de gagner des points et des badges. La gamification permet de transposer la formation hors de la salle de classe, en permettant aux apprenants de poursuivre leur apprentissage ou de consolider leurs acquis de n’importe où et n'importe quand, en s’amusant. 

La gamification utilisée avec le blended learning permet une première étape d’autonomisation des apprenants dans leur parcours de formation. Avec le jeu, ils s’engagent plus facilement dans des modules comme des quiz, souvent basés sur le microlearning, qui permettent une partie d’apprentissage auto-régulée. Les systèmes de points et de classements peuvent par ailleurs permettre aux formateurs de suivre la progression des apprenants quasiment en temps réel, pour ajuster aux besoins les concepts ou les consignes sur les phases de présentiel ou de formation synchrones. 

Dans d'autres cas, la gamification en blended learning permet d’identifier et de surmonter les freins des apprenants en difficulté pour potentiellement mettre en place un accompagnement sous forme de tutorat. La gamification favorise l'indépendance et la flexibilité, qualités attendues dans le blended learning.

...au team building

La gamification appliquée au team building en augmente considérablement l’efficacité. Ces dernières années les outils digitaux sont de plus en plus utilisés dans un contexte de team building. Tablettes et smartphones ont souvent volé la vedette aux stylos et papiers, réduisant au passage l’empreinte carbone de l’activité et permettant d’ajouter une dimension interactive et ludique supplémentaire. 

Dans un contexte comme le team building, les mécanismes de jeu de type escape game rencontrent un immense succès, en raison de la façon dont ils mobilisent les personnes en équipe. Ils permettent aux participants d'entrer dans différents univers de jeu et d'assumer des rôles fictifs tout en développant simultanément des compétences techniques, interpersonnelles et certains soft skills. 

La combinaison de la gamification et de l’apprentissage crée un contexte qui favorise la consolidation des équipes, car les parties prenantes travaillent ensemble vers un objectif commun tout en prenant du plaisir avec le jeu. Dans ce contexte, la victoire en groupe n’est que meilleure, car le “fun” a été partagé, quels que soient le profil des joueurs et leurs motivations personnelles dans le jeu. L’amusement et le plaisir qu’il procure lient les apprenants entre eux, le sentiment de réaliser quelque chose de plus grand qu’eux en travaillant en groupe permet de remplir la mission première du team building. 

    
Chapitre VIII

Serious games : qu’est-ce c’est et comment s’en servir

L’objectif principal des serious games depuis leur création est la formation ou le transfert de connaissances ainsi que leur mise en application. Même si le mot “jeu” apparaît dans leur nom, ce n’est donc pas du tout leur fonction première. Ils sont davantage axés sur le développement professionnel que sur le divertissement. Les serious games sont utilisés le plus souvent par les entreprises dans un contexte de formation complexe. On trouve leur utilisation dans un contexte d’éducation, au sein de gouvernements, dans des contextes scientifiques ou encore le secteur de la santé. 

Là où cela se complique, c’est qu’un serious game ressemble à s’y méprendre à un jeu, dans son design, ses mécanismes de jeu et de récompense. Les mondes virtuels des serious games sont complexes et attrayants, tout comme les personnages. Ce sont des jeux extrêmement scénarisés dont l’objectif est l’apprentissage. Chaque action et chaque message dans le jeu répond donc à un objectif dans ce sens. Les serious games ont la capacité d'amener des changements de comportement et de permettre le renforcement positif chez leurs utilisateurs lorsque c’est le but recherché. C’est une gamification poussée à un point ou l’apprentissage ne se fait plus sentir. 

 

Pourquoi utiliser le serious game ? 

Les serious games ont un pouvoir d’engagement important vis-à-vis des apprenants. Ils peuvent être utilisés dans plusieurs contextes. 

  • Gestion de la performance

Le serious game est indiqué en contexte de gestion de la performance, car il permet d’identifier des points d’amélioration chez le collaborateur apprenant. Il permet de repérer des mauvaises habitudes ou des croyances limitantes, ou encore d’identifier des erreurs dans leurs façons de travailler dont ils n’avaient pas conscience et qui limitaient leur efficacité. 

  • Renforcement des connaissances

Les serious games peuvent avoir une fonction de renforcement des connaissances, en immergeant l’apprenant dans un univers ou il doit solliciter des connaissances acquises par le passé pour les mobiliser à nouveau. 

  • Application en conditions réelles

Le serious game permet de créer des conditions proches de la réalité pour permettre aux apprenants de mettre en application des connaissances théoriques acquises en formation. Le serious game permet par ailleurs de tester des théories ou de prendre des risques, dans un environnement qui n’en comporte pas. On pense par exemple à des contextes de résolution de conflits. 

  • Atténuation des risques

Comme mentionné au-dessus, un environnement de serious game gomme les risques liés à des erreurs de décision. Dans un contexte de formation qui implique de prendre des décisions à risque d’un point de vue légal par exemple, le serious game procure un droit à l’erreur pour apprendre de façon sécurisée. Dans le même temps, ce contexte virtuel permet à l’entreprise de ne pas prendre de risques ni d’en faire prendre aux apprenants. 

 

Pourquoi les serious games fonctionnent ?

Pour la même raison que les jeux immersifs attirent, les serious games éloignent du monde réel et permettent de faire tomber de nombreux freins et de nombreuses craintes de passer à l’action. Le risque réel est gommé, le joueur gagne en confiance et peut exprimer des instincts. Par ailleurs, les serious games procurent une rétroaction instantanée, en permettant ou non de passer au niveau supérieur, à l’aide d’un message qui lui signale son erreur. L’apprenant obtient un retour instantané sur sa performance pour la comprendre et l'ajuster.

Les serious game ont la particularité de mobiliser une motivation intrinsèque : celle de réussir  au mieux, se réaliser ou être le meilleur. D’ailleurs une différence avec certaines autres techniques de gamification dans la formation est que le serious game ne fait pas appel à la reconnaissance des pairs ou à la récompense monétaire ou par points. Le joueur rivalise avec lui-même. Dans ce contexte, la réussite possède d’autant plus de valeur et donne au joueur un sentiment d'accomplissement important. Les serious games une fois terminés procurent une meilleure confiance en soi : savoir que l’on a réussi une mission dans le jeu donne une plus grande confiance pour faire face à une situation similaire dans un contexte réel de travail. 

Utilisés à distance, dans un contexte d’apprentissage en télétravail ou d’onboarding digital, les serious games permettent de recréer un environnement professionnel pour l'apprentissage. Ils permettent un meilleur engagement, en comparaison aux formations sur LMS qui ne présentent pas la caractéristique d’être immersives.

 

Serious games et gamification, y a-t-il des différences ? 

Certains différencient les serious games du reste des mécanismes d'apprentissage qui utilisent la gamification. Souvent, la gamification est considérée comme une méthodologie de conception holistique alors que les serious games sont une seule unité d’apprentissage. Voici plusieurs points de différenciation :

  • La structure

Un serious game est autonome et il s’agit d’une activité individuelle. La gamification est une “couche” intégrée dans la conception d’un cours ou d’une formation. Un serious game peut être intégré dans une formation gamifiée, pas forcément l’inverse. 

  • La motivation des apprenants

Les serious games auront plutôt tendance à faire appel à la motivation intrinsèque : terminer le jeu est la récompense. Côté gamification, on va plutôt chercher une motivation extrinsèque basée sur des systèmes de récompense ou de reconnaissance. 

  • Conception

Les serious games peuvent être développés indépendamment d’une formation et peuvent exister par eux-mêmes, répondant à des objectifs de formation bien spécifiques. La gamification d’une formation au complet peut impliquer de revoir totalement une stratégie ou des modules existants qui ne comportaient pas de gamification au préalable. 

  • Utilisation dans la formation

Serious games et gamification n’ont par la même fonction : les premiers sont plutôt utilisés pour induire des changements de comportement ou introduire à de nouveaux sujets. La gamification, elle, permet un suivi de l’apprentissage et la stimulation de l’engagement des apprenants tout au long de la formation.

    
Chapitre IX

Le futur de la gamification : plus d’apprentissage sans amusement ?

Elle est bien loin, cette époque où le jeu et le travail étaient considérés comme étant aux antipodes l’un de l’autre. Aujourd’hui, jouer, apprendre et travailler se côtoient dans des systèmes vertueux. Quand on parle du futur de la formation et de l’éducation, ce raz-de-marée de la gamification veut-il dire que l’un n’ira désormais plus sans l’autre ? Lorsque l’on regarde les chiffres de la gamification dans le secteur de l’éducation, il est prévu que le marché atteigne les 25,7 milliards de dollars américains d'ici 2025, avec un taux de croissance prévu de 14,0% par an sur la période de prévision 2020-2025. La gamification n’est pas près d'arrêter sa progression dans le secteur de l’apprentissage et de la formation.

Avec une tendance croissante à la politique Bring Your Own Device (BYOD - apportez votre propre appareil) et la généralisation de l’apprentissage à distance largement accélérée par la pandémie démarrée en 2020, l’apprentissage en autonomie se développe et pose des défis d’engagement importants. À cela s’ajoute la croissance des LMS et des plateformes d'expérience d’apprentissage qui présentent les mêmes enjeux d’engagement auxquels la gamification semble répondre de façon toute indiquée, avec des résultats éprouvés. 

Lorsqu’on parcourt la littérature dédiée aux questions d’e-learning et de gamification, il ressort que la gamification utilisée à des fins de formation se renforcera dans tous les domaines, notamment l'éducation, la santé, les produits pharmaceutiques, les services financiers, etc. Sur cette lancée, la gamification trouve une utilisation de plus en plus généralisée dans un contexte d’onboarding. Ce contexte de formation à la culture et aux processus d’entreprises couplé à la gamification, prouve son efficacité dans un contexte de rétention des talents, puisqu'il procure un environnement d’intégration engageant et motivant. Des études indiquent d’ailleurs que les nouveaux employés sont 69% plus susceptibles de rester plus de 3 ans si leur onboarding a été une bonne expérience. La gamification dans ce contexte se présente comme une réponse évidente. 

La technologie au service de la gamification

Les technologies immersives dans le cadre de l’apprentissage en sont encore au stade de la nouveauté et utilisées dans des conditions bien spécifiques comme la formation à la sécurité. Il faut donc s'attendre à une croissance importante des contextes d’apprentissage qui font appel à la gamification couplée à la technologie alors qu’elle se généralise sur tous les marchés et à tous les domaines. En combinant des éléments de jeux et une technologie immersive comme la réalité augmentée, virtuelle et mixte, les contextes d'apprentissage s’inscrivent de plus en plus dans le réel et la vie de tous les jours. Microsoft, Facebook et Samsung ont déjà introduit une combinaison de logiciels et de matériel basés sur la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité mixte. Oculus for Business de Facebook et Gear VR de Samsung font partie de ces innovations qui promettent un apprentissage interactif avec simulations virtuelles et visuelles. 

Une personnalisation de l’apprentissage de plus en plus poussée

La personnalisation est le processus de création d'expériences contextualisées et personnalisées à l'aide de l'analyse de données, de l'apprentissage automatique et de l'intelligence artificielle.

La personnalisation permettra de plus en plus aux entreprises et organismes de formations de mettre en place des solutions d’apprentissages évolutives, fondées sur le comportement des apprenants-joueurs. Cette personnalisation pourra dépendre du temps passé sur la plateforme, des activités effectuées, des centres d’intérêt de l’apprenant, etc. 

La personnalisation dans un contexte d’apprentissage permet aux apprenants de fixer des objectifs pédagogiques personnalisés, d'apprendre à leur propre rythme, de sélectionner des parcours d'apprentissage qui correspondent à leurs propres capacités, d’obtenir du feedback personnalisé en fonction de leurs actions, etc.